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LE RISQUE DE PERTE DU LIEN PARENTAL LORS DES SEPARATIONS Par Benoît VAN DIEREN La conséquence la plus dramatique, et de moins en moins rare, d’une séparation parentale est sans aucun doute le risque de perte du lien d’un enfant avec un de ses parents. Cette perte du lien peut s’inscrire dans le rejet et le développement d’un sentiment de haine de la part de l’enfant. LES TROIS POLES DU PROCESSUS Quand il y a perte du lien parent-enfants, sous un angle systémique, on mettra en évidence trois pôles qui interviennent et interagissent l’un sur l’autre. Le pôle maternel Pour mettre en évidence ce que chaque pôle représente, nous envisagerons ci-dessous des situations extrêmes (heureusement assez rares), situation où un de ces pôles intervient quasi exclusivement : LES TROIS CAS DE FIGURE EXTREMES L’ALIENATION PARENTALE SEVERE C’est la situation où un des deux parents, que nous appellerons le parent « proche », parce que c’est lui qui a les contacts les plus fréquents avec l’enfant, fait en sorte que l’enfant rejette complètement l’autre parent. C’est souvent la conséquence d’une séparation très conflictuelle dans laquelle un parent se sent profondément lésé parce que l’autre n’a pas répondu à son « obligation » d’assurer son bonheur, ou pire, l’a abandonné ou trahi . Il arrive souvent que ce parent confondant le rôle parental avec le rôle conjugal entraîne ou utilise l’enfant dans sa vision négative voire diabolisée de l’ex-conjoint et entraîne l’enfant ou l’utilise dans son besoin de faire « payer » à l’autre la profonde blessure. Il n’est pas exceptionnel au moment de la séparation d’entendre l’un dire explicitement à l’autre : « Tu vas payer très cher ce que tu m’as fait : je ferai en sorte, non seulement que tu ne voies plus notre enfants mais aussi que ton enfant lui-même ne veuillent plus te voir ». . Lorsque ce processus aura réussi ce parent ne manquera de dire autour de lui (en ce y compris au juge): « j’essaie de persuader notre enfant de voir « l’autre » mais que voulez vous que je fasse puisqu’il refuse obstinément ? Je respecte et j’aime mon enfant et c’est pourquoi je respecte aussi sa volonté de ne plus voir « l’autre ». Je ne suis pas opposé à ce que notre enfant ai de bonnes relations avec l’ « autre » mais je n’ai pas le moyen de l’en persuader !». Pourtant souvent le parent rejeté était auparavant aimé et respecté par son enfant et ce parent essaie désespérément, par tous les moyens, de maintenir le lien et l’affection vis à vis de l’enfant. Il s’agit donc ici de l’aboutissement d’un processus de manipulation intense et systématique visant à ce que l’enfant lui même écarte résolument et, si possible, définitivement l’autre parent. Une fois que ce processus a abouti, l’enfant est enfermé dans un système très intense et élaboré de croyances quant au caractère foncièrement mauvais, voire diabolique de l’autre. Si il cherche à avoir un contact (même furtif) avec l’enfant à la sortie de l’école : sa tentative sera érigée en preuve de son sadisme : un parent qui perturbe son enfant en le mettant dans l’embarras et de surcroît en public. Ses appels téléphoniques seront ressentis comme intrusifs et perturbants pour la vie de famille. Si au contraire, ce parent parvient à dominer son désir de voir son enfant afin de ne pas le perturber, il sera alors confirmé dans son rôle de parent défaillant qui se désintéresse de son enfant. Ce parent se trouve dans de toute évidence dans une impasse, ce qu’il vivra évidemment très mal et si ce parent perdu et désespéré « pète les plombs », il sera alors définitivement étiqueté « parent fragile, incompétent et/ou dangereux ». Nous venons de voir qu’il existe donc des situations où un seul parent sera le responsable quasi exclusif du rejet de l’autre par l’enfant et ce même si celui-ci aimait beaucoup son autre parent et que celui-ci était un bon parent du temps de la vie commune. RUPTURE DU LIEN DUE A LA DEMISSION OU L’ABANDON DE L’ « AUTRE » PARENT. L’autre extrême, c’est le cas du parent qui après une séparation part ou « refait sa vie » coupant définitivement tout contact et laissant conjoint et enfant livrés à leur sort. . Dans ce cas le parent « éloigné » est évidemment le propre auteur de son éloignement. Tout ceci peut se produite alors que le parent resté « proche » de l’enfant a sincèrement tout fait pour maintenir le lien le plus étroit possible entre son enfant et l’autre parent. Il est donc souvent profondément meurtri par cet abandon conjugal ET parental. Il se retrouve seul avec l’enfant et ne sait que lui répondre face à cette absence inexpliquée et inexplicable... Ce parent « éloigné » est alors qualifié de « démissionnaire ». RUPTURE DU LIEN INITIEE PAR L’ENFANT LUI MEME Le troisième cas de figure c’est celui de l’enfant qui est personnellement profondément choqué et meurtri par le départ de son parents et qui peut arriver à le rejeter, ressentant son parent qui quitte le bateau familial (et le laissant à la dérive) comme un abandon et une trahison insupportable et impardonnable. Nous constatons que même si le parent « abandonné et trahi » arrive à dépasser sa propre douleur et parvient à vraiment et sincèrement encourager la poursuite du lien de l’enfant avec son autre parent, il se heurtera toutefois au refus obstiné de l’enfant. VISION SYSTEMIQUE DE LA PERTE DU LIEN PARENTAL En dehors des trois cas de figure mentionnés ci-dessus que nous avons volontairement pris dans les cas extrêmes, nous pouvons affirmer que la toute grosse majorité des situations de rupture de lien enfant-parent s’explique par un mixage et un processus complexe d’ « action-réaction » entre ces trois pôles père-mère-enfant . Pour la clarté de la « démonstration », laissons provisoirement de côté le cas de figure du parent démissionnaire, ce qui ne signifie pas pour autant qu’il soit nécessaire plus rare, loin de là. Considérons donc les situations les plus fréquentes, celles où le vécu et les motivations du parent « proche » et de l’enfant se rejoignent et se renforcent mutuellement. L’ASSOCIATION DE VICTIMES Très souvent la souffrance du parent « proche » entre en résonance étroite avec celle de l’enfant. Lorsque le parent « proche » est envahi par sa souffrance et qu’il est dans l’incompréhension de ce qui arrive, il ira sans doute chercher affection, réconfort, soutien, compréhension, voir complicité auprès des personnes qui lui sont proches et encore plus auprès de celles qui de plus partagent la même douleur causée par la même personne. LE PACTE CONTRE LE PARENT INDIGNE Le phénomène d’association de victime peut en rester au stade d’un simple mécanisme de protection ou de résilience (tenir bon ensemble à travers l’adversité), mais il est assez fréquent que le processus dérive très vite vers l’émergence d’un pacte explicite ou implicite : « NOUS allons tout faire pour le faire changer d’avis et si nous n’y arrivons pas, nous allons lui faire payer très cher tout le mal qu’il nous a fait » Le système judiciaire offre aux parties une palette de moyens, des plus légers aux plus brutaux, utilisant parfois des stratégies où la mauvaise foi, voire la perversité, ne sont pas absentes. Dans la plupart des situations , l’avocat du client « prend lui-même les choses en mains », déchargeant ainsi le client de toute responsabilité quant aux coups bas qui vont être portés à l’autre, coups bas qu’il n’aurait jamais eu l’élan de faire, mais que son avocat se croit obligé de faire ne serait-ce que pour que son client ai une bonne image de lui, qu’il se sente bien défendu !!!. Nous ferons plus loin des suggestions pour que le système judiciaire en ce y compris les avocats puissent jouer un rôle de stimulation de la collaboration parentale encore possible avant le processus d’emballement. Il est important que les acteurs du monde judiciaire n’enferment pas les antagonistes dans une logique de confrontation dans lequel chacun « doit » gagner et dans lequel, au bout du compte, il n’y aura que deux perdants: le gagnant officiel occasionnera souvent des dégâts irréparables au cœur du psychisme de son enfant, même si ces dégâts ne sont pas toujours palpables immédiatement. Il est ailleurs fréquent que le parent « gagnant » paie ensuite très cher ce meurtre psychique de l’autre dans le cerveau de l’enfant par de violents reproches lorsque l’enfant sera devenu mûr, qu’il aura pris du recul par rapport à une situation qu’il n’aura vécue qu’à travers un seul prisme, celui du parent « proche ». Etant déjà dans une société du règne de l’enfant-roi, le système lui donne donc ici le pouvoir de devenir l’enfant Juge de ses parents, même si on prend toutes les précautions oratoires pour le convaincre que ce n’est pas son avis qui va décider. LE CONCEPT D’ALIENATION PARENTALE FRAGILITE INTRINSEQUE DU CONCEPT Nous venons de montrer qu’en dehors des cas extrêmes d’aliénation délibérée, il existe de nombreuses situations où une réaction très humaine de solidarité dans le malheur peut aboutir à un résultat à peu près identique à une aliénation parentale franche, et délibérée. La spirale des actions-réactions est souvent attisée par les alliances extérieures (familiales, amicales…) auprès de qui on va chercher aval et confirmation et, cerise sur la gâteau, le monde judiciaire n’est pas le dernier à offrir des armes pour mener ce combat d’extermination du parent «éloigné »... Il existe évidemment des cas où le parent proche ne cède pas à la tentation d’emprise (parfois fusionnelle) sur l’enfant et de dénigrement systématique de l’ « autre » mais qu’il se contente d’embrayer ou surfer sur la vague de la tristesse et de la rancœur de l’enfant en « en rajoutant une couche » («et oui… comme je te comprends »..quant ce n’est pas « et si tu savais tout, tu serais très surpris….!!!») La plupart des parents rejetés par leur enfant ont la tendance assez naturelle et compréhensible à interpréter le rejet de leur enfant comme le seul résultat du lavage de cerveau du parent proche. Nous voyons donc que dans la grosse majorité des cas, le rejet du parent par l’enfant est la résultante d’un processus complexe dans lequel les trois pôles (père, mère et enfant ) interagissent à des degrés variables pour aboutir à ce triste résultat. INTERET STRATEGIQUE DU CONCEPT ? Dans les sciences humaines, la pertinence et l’utilité d’un concept se mesure en partie aux résultats que l’utilisation de ce concept produit. Nous ne pensons pas être le seul professionnel du monde psy ou du monde judiciaire à avoir constaté l’habituelle levée de bouclier que provoque l’utilisation du concept d’Aliénation Parentale (à fortiori si le mot « syndrome » y est accolé). La réaction est immédiate de la part de la personne qui est directement visée par ce concept, en l’occurrence le parent « proche » qui reçoit cette accusation comme une véritable gifle. Et évidemment à ses yeux cette accusation est complètement injustifiée. Même en cas d’aliénation parentale flagrante, le parent en question se persuade lui-même qu’il agit pour protéger son enfant contre le monstre qui est en face et il réagit dans le déni total du tort qu’il inflige ainsi lui même à l’enfant. Par ailleurs, dans les cas moins flagrants où le rejet parental est la résultante d’un processus systémique décrit plus haut, il n’y a quasi jamais d’intérêt à appliquer à quiconque l’étiquette de parent aliénant AU DEPART EN TOUT CAS ce qui bloquerait radicalement toute tentative de rentrer dans une dynamique de collaboration parentale, seule issue possible selon moi comme il sera développé par ailleurs. RÔLE DU CONTEXTE Nous soulignerons ici qu’au delà de la dynamique complexe des interactions entre les trois pôles dont nous venons de parler, le contexte humain et institutionnel qui entoure la famille nucléaire va aussi jouer un rôle déterminant dans le processus qui pourra ou non aboutir à la rupture du lien parental. -la famille élargie INTERACTIONS ENTRE LA FAMILLE EN CRISE ET LE MONDE JUDICIAIRE Par rapport à cette problématique, nous invitons le lecteur à lire notre dernier article sur « La Justice face à l’Aliénation Parentale » sur ce même site. DU BUREAU DE POLICE À LA COUR D’APPEL Si nous nous mettons à la place du citoyen confronté à un conflit parental aigu qui voit poindre la menace d’une perte de lien avec son enfant, la liste des intervenants possibles peut être longue. Nous ne ferons ici que citer la plupart d’entre eux , du plus proche dans le temps au plus éloigné : Partant du principe que lorsqu’un conflit parental est résolument engagé dans un processus où , dans le chef d’une « partie » au moins, il doit nécessairement y avoir un gagnant (« moi ») et un perdant ( ‘l’autre »), tout, absolument tout les éléments du contexte environnant sera utilisé pour « abattre » l’autre :
SITUATIONS OUVERTES ET SITUATIONS EN VOIE DE BLOCAGE Tant que l’enfant continue à avoir des contacts réguliers et plus ou moins normaux avec chaque parent LES CLIGNOTANTS Par contre si apparaissent clairement des signaux clignotants indiquant qu’un DEBUT de blocage de la part de l’enfant ou du parent « gardien » se manifestent, le système judiciaire devrait avoir les moyens de statuer et d’agir efficacement et rapidement pour avoir quelque chance d’inverser le cours fatal des choses. Ces clignotants sont d’abord perçus par le parent « éloigné » ou en voie de l’être, puis par les différents intervenants sollicités en première ligne : avocat, police, assistante sociale juge de paix, Service d’Aide à la Jeunesse…. LES EXPERTISES Elles longues et souvent laborieuses et surtout elles arrivent rarement à rétablir la collaboration parentale et à retisser le lien rompu, malgré les objectifs très souvent prescrits dans l’expertise « de tenter de concilier les parties ». LA MEDIATION FAMILIALE Comme nous l’avons dit plus haut, dans un tel contexte d’affrontement, la médiation est presque toujours utilisée par le parent « aliénant » pour 1) montrer sa bonne volonté, 2) obtenir un maximum d’informations sur l’autre, y compris ses points faibles 3) trouver le moyen de déstabiliser l’autre et si possible de faire en sorte que ce soit l’autre qui abandonne la médiation, portant ainsi la responsabilité de l’arrêt du processus… LA NON PRESENTATION D’ENFANT : LE SEUL« CLIGNOTANT » INCONTESTABLE Pour éviter l’enlisement et la cristallisation rapide de ces situations, la Justice dispose d’un critère simple et objectif comme signal d’alarme : la non présentation d’enfant. Ce critère a le mérite d’être un fait incontestable. Il faut, dès le départ partir du CONSTAT que l’enfant n’a plus eu de contact depuis X temps avec l’autre parent et interpeller le parent proche par rapport à cette situation : la trouve-t-elle normale; souhaitable ou non, quelles sont ses intentions : laisser faire ou agir ? Comment ? MISE EN PLACE D’UN DISPOSITIF ANTIDERAPAGE Une fois la notion de risque de perte du lien acceptée par le parent proche, on peut lui tenir à peu près ce langage : Il faudrait selon nous qu’à ce stade , sans utiliser nécessairement le ton de la menace, que le parent « proche » soit informé du fait qu’une entrave injustifiée de sa part au rétablissement des liens normaux parents-enfants sera sanctionnée soit par une astreinte, soit même par une inversion de l’hébergement, en arguant que la Justice privilégiera le parent qui soutient le plus le rôle de l’autre parent.. LA GUIDANCE PARENTALE A partir de là plusieurs possibilités devraient exister : A partir de là, selon la situation, selon le contexte, une palette d’interventions serait à la disposition des parents ou des magistrats (cfr article précédent) PRECOCITE DU « DISPOSITIF » Au plus vite ce dispositif se met en place, au plus il aura de chances d’aboutir. Le parent qui constate la non présentation d’enfant devra le signaler rapidement. La personne qui reçoit la plainte devrait convoquer rapidement le parent proche et lui tenir à peu près le langage suggéré ci-dessus. FAISABILITÉ DU « DISPOSITIF » La mise en place d’un tel dispositif ou du moins une pratique judiciaire qui s’inspirerait de cette logique demande une réflexion à l’intérieur de chaque discipline (magistrats, juristes, psy, police..) et multidisciplinaire qui concerne les articulations optimales entre ces disciplines. L’amorce de telles initiatives est déjà en train de se mettre en place. L’AUTORITÉ PARENTALE (ET JUDICIAIRE) EN QUESTION Dans notre société occidentale, un des problèmes majeurs que rencontrent les parents vis à vis de l’enfant, c’est de savoir ce que représente l’autorité parentale et comment l’exercer ?. Mais que dire alors des familles qui éclatent dans le conflit parental ? Comment l’enfant peut il se construire des repères alors qu’il voit ses parents se comporter d’après la loi de la jungle où tous les coups sont permis (avec lui comme enjeu principal) entre les personnes qu’il aime et devrait respecter le plus au monde ? EN RESUME Une exigence forte émerge de nos observations et de nos réflexions sur les conséquences parfois très lourdes pour l’enfant et les parents, d’une séparation très conflictuelle au départ ou qui le devient suite à une série de maladresses ou de dérapages des « parties », dérapages souvent amplifiés par la logique de confrontation du système judiciaire. La Justice, pour rester crédible et efficace en matière familiale, chaque fois qu’elle perçoit les signes qu’un enfant est pris en otage d’un conflit parental qui aboutit à ce qu’un parent est en train d’être ( pour de bonnes ou de mauvaises raisons) éliminé de la vie de l’enfant ou qu’un ou deux parents se révèlent toxiques pour l’enfant, devrait pouvoir initier, sous la contrainte s’il le faut, un processus ENCADRÉ par elle qui rende aux parents la possibilité de continuer à rester (co) parents, et à défaut, de prendre les mesures qui protègent l’enfant de l’irresponsabilité soit structurelle soit accidentelle des parents. Benoît VAN DIEREN Prochain article sur le site : Prévention et remèdes à l’usage des parents
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